mardi 4 décembre 2012

L'art chasse cafard



Depuis 2006 Les coupures de courant sont « courantes » dans certains quartiers de Beyrouth. De une à trois fois par jour, entre 3h et 7h, c’est selon. Pendant ces coupures, des  générateurs prennent le relais. Les beyrouthins y ont recours sous forme d’abonnement et payent en moyenne 80 dollars par mois. En faisant attention au nombre d’appareils branchés, les coupures passent presque inaperçues. Enfin « presque »…

Moi : - L eau de la  bouilloire est tiède et le beurre dans le frigo tout mou …

Jeff : - Débranche le micro-onde pour voir…

Moi : - Le frigo repart.

Jeff : - Branche la bouilloire maintenant.

Moi : - Le frigo s’arrête.

Jeff : - Plan B : on petit déjeune dehors.

Dehors on tombe sur une boutique qui attire notre œil : Plan Bey. Tiens, me dis-je, en voyant des pots de confitures de figues et de framboises au travers de la vitrine, je me ferais bien un plan petit déj’ dans cette charmante boutique, mi-galerie, mi-magasin où trône une machine à café et des tasses à thé. La jeune patronne me regarde amusée quand je lui demande :

Moi : - Plan Bey comme plan breakfast ?

La jeune patronne : - Plan B parce que les plans A sont trop chers ou trop rares ou les deux…  Plan « Bey »  pour le jeu de lettres de Bey-routh  parce que l’idée du magasin c’est de promouvoir des jeunes artistes vivants à Beyrouth… Mais aussi d’artistes confirmés, connus avec qui on travaille sur une idée de multiples pour que leurs œuvres soient accessibles au grand public.

Moi : - Les confitures, c’est des œuvres multiples comestiblement accessibles ou bien ?

La jeune patronne dynamique rit et motivée décide de me régaler de ses artistes chéris et de leurs œuvres potentiellement accessibles à tous.



La patronne : - Là ce sont des imprimés du grand calligraphe Samir Sayegh… un régal de poésie et de spiritualité…

 
Moi : - Très jolies ces grosses lettres abstraites… Donc les confi...




La jeune patronne : - Ça c’est le travail de Wissam, un syrien sculpteur à la base, qui a trouvé le moyen de couper les bouteilles de bières locales, pour en faire des verres, des vases, des bougeoirs.
Son idée est de monter un atelier pour embaucher d’autres réfugiés syriens qui ont besoin de travail.

 
Moi : -  C’est très très bien ça… Et ces con…


     








La jeune patronne : - Tous ces sacs, ces cahiers, c’est le travail d’une autre réfugiée syrienne Zeina Sabbagh, ex-professeur, passionnée de la technique de pochoir de Hamma en Syrie.  Avec un tampon en bois sculpté Zenna frappe le tissu et les motifs s’impriment. Traditionnellement ce sont les nappes qui sont décorées comme ça. Mais les sacs c’est notre trouvaille. Ça marche bien.

Moi : - Entre porter une nappe sur le dos ou un sac pour sortir… Y’a pas photo…





La patronne : - Justement la photo, avec notre très aimé photographe libanais Fouad Khoury. Dans l’idée des multiples, cette série de posters noir et blanc intitulés « Beyrouth 91 ». A la fin de la guerre, 7 photographes internationaux ont été sollicités pour prendre des photos de Beyrouth avant sa reconstruction totale, à l’identique. Fouad en faisait parti. De très belles images d’après guerre.

Moi : - Ça n’a pas traîné pour reconstruire la ville dis donc.

La patronne : - Faut aller de l’avant… Et là tu as les confitures de ma tata. Tata Marie.

Moi : - Ah les confitures de tata Marie ! C’est une vraie tata ? C’est la tata de qui ?

Mon estomac s’est finalement mis en plan Diète et ma faim s’est tue. C’est beau quand le courant passe entre le corps et l’esprit.




Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire