Depuis 2006 Les coupures de courant sont
« courantes » dans certains quartiers de Beyrouth. De une à trois
fois par jour, entre 3h et 7h, c’est selon. Pendant ces coupures, des générateurs prennent le relais. Les
beyrouthins y ont recours sous forme d’abonnement et payent en moyenne 80
dollars par mois. En faisant attention au nombre d’appareils branchés, les
coupures passent presque inaperçues. Enfin « presque »…
Moi : - L eau de la
bouilloire est tiède et le beurre dans le frigo tout mou …
Jeff : - Débranche le micro-onde pour voir…
Moi : - Le frigo repart.
Jeff : - Branche la bouilloire maintenant.
Moi : - Le frigo s’arrête.
Jeff : - Plan B : on petit déjeune dehors.
Dehors on tombe sur une boutique qui attire notre œil :
Plan Bey. Tiens, me dis-je, en voyant des pots de confitures de figues et de
framboises au travers de la vitrine, je me ferais bien un plan petit déj’ dans
cette charmante boutique, mi-galerie, mi-magasin où trône une machine à café et
des tasses à thé. La jeune patronne me regarde amusée quand je lui demande :
Moi : - Plan Bey comme plan breakfast ?
La jeune patronne : - Plan B parce que les plans A sont
trop chers ou trop rares ou les deux… Plan « Bey » pour le jeu de lettres de Bey-routh
parce que l’idée du magasin c’est de promouvoir des jeunes artistes vivants à
Beyrouth… Mais aussi d’artistes confirmés, connus avec qui on travaille sur une
idée de multiples pour que leurs œuvres soient accessibles au grand public.
Moi : - Les confitures, c’est des œuvres multiples
comestiblement accessibles ou bien ?
La jeune patronne dynamique rit et motivée décide de me
régaler de ses artistes chéris et de leurs œuvres potentiellement accessibles à
tous.
La patronne : - Là ce sont des imprimés du grand calligraphe Samir Sayegh… un régal de poésie et de spiritualité…
Moi : - Très jolies ces grosses lettres abstraites… Donc
les confi...
La jeune patronne : - Ça c’est le travail de Wissam, un syrien sculpteur à la base, qui a trouvé le moyen de couper les bouteilles de bières locales, pour en faire des verres, des vases, des bougeoirs.
Son idée est de monter un atelier pour embaucher d’autres réfugiés syriens qui ont besoin de travail.
La jeune patronne : - Tous ces sacs, ces cahiers, c’est le travail d’une autre réfugiée syrienne Zeina Sabbagh, ex-professeur, passionnée de la technique de pochoir de Hamma en Syrie. Avec un tampon en bois sculpté Zenna frappe le tissu et les motifs s’impriment. Traditionnellement ce sont les nappes qui sont décorées comme ça. Mais les sacs c’est notre trouvaille. Ça marche bien.
Moi : - Entre porter une nappe sur le dos ou un sac pour sortir… Y’a pas photo…
La patronne : - Justement la photo, avec notre très aimé photographe libanais Fouad Khoury. Dans l’idée des multiples, cette série de posters noir et blanc intitulés « Beyrouth 91 ». A la fin de la guerre, 7 photographes internationaux ont été sollicités pour prendre des photos de Beyrouth avant sa reconstruction totale, à l’identique. Fouad en faisait parti. De très belles images d’après guerre.
Moi : - Ça n’a pas traîné pour reconstruire la ville
dis donc.
La patronne : - Faut aller de l’avant… Et là tu as les
confitures de ma tata. Tata Marie.
Moi : - Ah les confitures de tata Marie ! C’est
une vraie tata ? C’est la tata de qui ?
Mon estomac s’est finalement mis en plan Diète et ma faim
s’est tue. C’est beau quand le courant passe entre le corps et l’esprit.
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