Echange dans un espace
artistique alternatif et opposant (à l’ancien régime et à tous les régimes draconiens). A. artiste puissant à la réflexion riche et homme d’action a invité deux consœurs, Mlle T . et Mme S. professeurs, militantes et femmes de cœur.
Moi : - C’est incroyable la disponibilité des gens sur Tunis. Les contacts circulent facilement et après un coup de fil on a un rdv. C’est toujours comme ça ?
A : - C’est une confiance entre nous c’est une confiance parce qu’on a passé des années à se cacher pour communiquer. Pour tout il fallait se cacher, on n’était sûr de personne.
Moi : - Tu veux dire qu’avant le 14 janvier on n’aurait
pas pu avoir cette conversation ?
Mme S. : - Jamais
A. : - Ah oui jamais.
Mme S. : - Si si dans un lieu comme ça…
Mlle T. : - Oui on l’aurait eue mais on se serait méfié
parce qu’on aurait eu peur des uns des autres
Mme S. : - Non, je n’aurais pas eu peur de toi quand
même ! Mais oui on se serait méfié un peu de vous parce qu’on a eu des
gens comme vous, venus de l’étranger, pas très sûrs.
Moi - : Des gens qui jouaient un double jeu ?
Des gens qui vous ont espionné ?
Mlle T. : - Oui on a eu.
A : - Bien sûr. Dans cet espace, on a le système wifi,
internet c’est sous mon nom et moi je suis opposant. A un certain moment, avant
le 14 janvier, je comprends qu’il y a des flics : j’étais sous mes nerfs
alors j’ai fait des bagarres… pratiquement j’ai failli être en prison. Parce
qu’il y a beaucoup d’étudiants, de messages qui viennent, pour les
manifestations qui se préparent ici.
Moi : - Alors il fallait toujours se méfier ?
Mlle T. : - Ah oui oui…
Mme S. : - Toujours oui.
A : - Bien sûr. Mais il a fallu avoir des liens en
cachette. Par exemple moi je connais Mme et M. T. pour la simple raison quand
j’ai été interdit pour faire mon troisième cycle en sociologie, c’était la
philosophie qui m’a accepté à travers ce couple. Il y a des liens entre les opposants un
pouvoir scientifique, universitaire, artistique (…) Mme T. est présidente d’une association
tunisienne d’esthétique et de poétique qui est pour moi une association
militante car défendre l’art sous le règne de Ben Ali c’est pousser vers la
révolution vers le dépassement … et c est très important de voir ces
résistances dans son milieu de travail.
Mme S. : - Il y a eu beaucoup de résistances, à tous
les niveaux, dans différents secteurs … les gens résistaient à des intimidations…
beaucoup d’intimidations… parce que faut pas croire… les jeunes entrepreneurs
qui ont essayé de résister, ils les cassaient. Même par le fisc, ils les
cassaient.A : - Moi j’ai été cassé par le fisc, il est venu ici.
Mlle T. : – Nous ils ont demandé à notre association,
pour les dernières élections de Ben Ali en 2004, ils nous ont demandé de monter
une tente avec des artistes pour soutenir la campagne de Ben Ali. On a refusé
et ils nous ont coupé les subventions.
Moi : - Et comment vous avez fait ? Mme S. : - On se débrouille.
Mlle T. : - Ah oui on est ultra diplômé en
débrouille
Mme S. : - Ah oui, bac +40 !
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